La Neutralité du Net a fait la Une de la presse américaine suite aux récentes rumeurs, spéculations, ainsi qu’aux interprétations qui ont entouré l’accord entre Google et Verizon [et les fuites du rapport gouvernemental sur la Neutralité du Net en France].
Le principe de base de la Neutralité du Net consiste à s’assurer que des fournisseurs d’accès (comme Verizon, Orange ou SFR) ne puissent pas passer d’accords avec des entreprises (comme Google ou Vivendi) pour leur offrir un avantage anticoncurrentiel comme, au hasard, leur attribuer plus de bande passante tout en maintenant une certaine neutralité. Pour les startups et les entrepreneurs, le débat se doit d’être suivit de près, et pour les investisseurs qui s’expriment à travers leurs blogs, l’heure est venue, à nouveau, de faire entendre leur voix.
Une chose est à noter au sujet de la neutralité du net, c’est que ses défenseurs ne cherchent en rien à la changer. Au stade où en est internet, c’est un écosystème équitable, et les fournisseurs d’accès ne peuvent pas discriminer les contenus d’un client à l’autre. La neutralité du net est au contraire quelque chose que ses pactisants cherchent à maintenir, un concept fondateurs de l’internet dont la perte serait préjudiciable à la plupart des acteurs de l’internet.
L’écosystème de l’internet d’aujourd’hui permet à de petites entreprises de croitre très rapidement et de challenger les gros acteurs installés. Tout le monde passant sur les mêmes autoroutes, une startups peut théoriquement concurrencer la plus grosses des entreprises. Sans la neutralité du net, les grosses entreprises qui disposent de gros budgets pourraient se positionner de façon à évincer les petites de la compétition, mettant un frein à l’innovation.
Bien que certains grands acteurs comme Google semblent être à l’avant garde de l’innovation, une large partie de celle-ci provient en réalité de petites startups que Google rachète pour s’alimenter en idées fraîches. Sans cet écosystème, ces petits acteurs ont un handicap de taille, et l’innovation s’en ressentirait. Fred Wilson de Union Square Venture fait part de son inquiétude à ce sujet dans un billet :
«[les fournisseurs d’accès] sont régulés depuis longtemps. Ils connaissent les règles du jeu et les utilisent à leur avantage,» écrit Fred Wilson. «Ils veulent que notre gouvernement régulent l’internet et ils veulent que ces régulations soient rédigées de façon à ce qu’ils puissent faire ce que bon leur semble. Un internet régulé ainsi serait plus confortable pour les fournisseurs d’accès à internet et terrifiant pour les entrepreneurs et l’écosystème qui les entoure.»
Brad Burnham, un associé de Wilson, a écrit un article repris par le New York Times plus tôt cette semaine faisant état de l’inquiétude des investisseurs suite à la révélation de l’accord Google/Verizon. Comme le souligne Burnham, l’accord de ces deux géants de l’internet laisse franchement à désirer en ce qui concerne l’internet mobile, et demeure complexe et difficile à faire appliquer. Mais pour les startups, qu’est ce que cela signifie ?
«Entre l’absence de toute protection concernant l’internet mobile, et au vu de la lourdeur ainsi que de la complexité de ce qui concerne l’internet ‘classique’, une jeune startup rencontrera des difficultés à se financer et à développer ses affaires» affirme Burnham. «Si un fournisseur d’accès à internet fait de la discrimination vis à vis d’une startup directement ou à travers la façon dont elle gère son réseau, il y a peu de chances que cette startup puisse se payer les frais que cela engendrera pour rester en vie. Cette proposition favorisera les acteurs installés et les fournisseurs d’accès à internet.»
Aux Etats-Unis, il va falloir un moment pour qu’un consensus se dégage autour de la neutralité du net. Avec de grosses entreprises comme Google et Verizon cherchant à protéger leurs intérêts avec cet accord cadre, révélé en début de semaine, il n’est pas surprenant que les startups paient le prix fort.
Heureusement, la communauté des investisseurs, menée par ceux qui bloguent comme Fred Wilson, est assez douée pour prendre la défense du monde des startups et de l’innovation.
[nde: en France, la recherche de consensus devrait être plus rapidement expédiée, mais nous devrions faire parti des personnes consultées par le parlement, et nous ne manquerons pas de vous tenir au courant]
13 août 2010 à 22:17
Merci beaucoup pour ce billet.
Justement après le rapport du gouvernement sur la neutralité de la censure, je me disais qu’il serait bon d’avoir des argumentaires résumés la neutralité du net en 3 points : liberté, innovation et technique (peut-être d’autres?).
Cet article couvre l’innovation :-)
Aujourd’hui, il y a eu également l’interview de Benjamin Bayart par ecrans.fr (qui couvre plutôt la technique et démonte certains arguments avancés dans le rapport).
13 août 2010 à 23:07
s/résumés/résumant/
14 août 2010 à 11:22
On peut aisément parier que la neutralité du net n’est, depuis quelques temps déjà, absolument plus respectée chez Orange. Orange, c’est en quelque sorte un groupe des forces spéciales envoyées derrière les lignes ennemies, ou bien le ver dans le fruit en train de pourrir… Orange trie, filtre, verrouille déjà.
Nul doute que ce pouvoir veut en finir avec la neutralité du net, ne serait-ce que pour permettre aux amis du Fouquet’s d’assoir dès demain une position dominante sur le web français, afin d’y contrôler l’info pour lui (le pouvoir) et d’en tirer les meilleurs revenus pour eux (les amis du Fouquet’s).
Quand la web-tv se développerera jusqu’à sa généralisation et qu’ils vont y investir des sommes conséquentes, les amis du président veulent avoir l’assurance d’une grande et forte visibilité de leurs programmes et bien entendu de leurs écrans publicitaires tout à la gloire du néo-libéralisme triomphant et décomplexé, et du président bling-bling (ce qui revient au même)…
Ou de son éventuel successeur du camp réac, qui se montrera tout aussi servile devant les exigences des lobbies, dans la mesure où ceux-ci ne manqueront pas de lui renvoyer l’ascenseur au travers d’une info qui bénéficiera du filtrage et des meilleurs débits du web, une info lénifiante et marquée idéologiquement qui confine aisément à de la propagande émanant d’un état autoritaire (il suffit déjà de regarder TF1)…
Hadopi ressemble à une histoire pour bisounours, à côté de ce cauchemar prédictible et prévisible. Les proxis, VPN et réseaux Tor ont de beaux jours devant eux, me semble-t-il, pour garder l’illusion de conserver certaines libertés individuelles et collectives dont ce pouvoir n’a cure…