Ce WE, l’association des bidouilleurs de Vitry, le tmp/lab, organisait un festival, le Plastic Hacker Space Festival. Le cadre était alternatif, au sous-sol d’une usine désaffectée, mais pas forcément son contenu: le public était varié et les concepts avaient un doux parfum de projets universitaires. Le hacking des objets a prédominé sur le hacking logiciel, et j’ai retenu deux concepts de base: le Do-It-Yourself et les objets libres.
Romain Lange est cofondateur de Cibul, une application web qui permettra de trouver les événements proches de soi. Il partage sur son blog ses rencontres d’organisateurs et ses participations à des événements.
DIY: « ça vous plait? C’est moi qui l’ai fait »
L’individu est plus qu’un simple consommateur, il peut assimiler des savoir-faire et fabriquer lui-même les objets dont il a besoin, voire même s’amuser à fabriquer ses objets. Une délicieuse toulousaine a ainsi exposé comment fabriquer ses sex-toys avec le vibreur d’une manette de jeu vidéo et des moules de cuisines en silicone.
Je me suis dit que l’idée du DIY était déjà bien diffusé dans notre société et qu’en un sens C’est du propre, l’émission de M6, où deux super-ménagères apprennent à fabriquer ses propres détergents avec du vinaigre, du citron et de la bière, c’est du DIY.
Les objets libres
Un objet libre est un produit librement reproductible et modulable dont la documentation technique est en libre accès. L’idée est de faire passer en bien commun tout une série de savoir-faire. Christophe André, de l’association Entropie, est allé plus loin avec le concept de design libre qui encourage les concepteurs à documenter également les faiblesses des produits afin de bénéficier de contributions des utilisateurs. Sur ce festival, le plus emblématique de ces produits hackables étaient les imprimantes 3D.
Les imprimantes libres
Deux projets d’imprimantes 3D étaient présents: Makerbot, une boutique en ligne américaine qui propose ses machines en kit, et RepRap, un projet communautaire initié par l’université de Bath. Ces machines sont libres de droit, se revendiquent « hackables » et sont en partie auto-réplicables, puisqu’une imprimante peut produire les éléments plastiques la composant.
Les objets peuvent être créés avec le logiciel Blender, partagés sur ThingIverse, puis reproduits par l’imprimante par couches successives de plastique. En France, les fournitures et pièces détachées sont disponibles chez Hackable Devices, une société issue d’un partenariat entre Kd85, Bearstech et FaberNovel, afin de promouvoir et diffuser la culture de la bidouille et l’apprentissage par la pratique, et qui sait, de faire naître un modèle économique viable.
http://www.vimeo.com/5202148L’impression d’objets en Nutella a été tentée, mais le réglage de la température n’étant pas encore au point, un repli sur les dessins en 2D sur pain de mie a eu plus de succès.
Un dernier projet avait à mon sens une application commerciale proche: le matériel de muscu-musical. Un potentiomètre permet de faire varier une note de musique suivant le mouvement sur un matériel et l’objectif est de « jouer » à plusieurs de ces instruments, comme dans un groupe: transpiration assurée.
Le hacktivisme en question
Les dernières conférences du festival était dédiées au questions politiques, et ce ne fut pas la partie la plus passionnante du WE. Un avocat en a fait des tonnes sur l’Hadopi, puis se posa la question de la voix des hackers: plusieurs membres de hackerspaces/hacklabs, notamment de Suède et d’Espagne, ont confronté leurs points de vue sur l’opportunité d’un parti pirate, d’une fédération ou confédération des hackerspaces, ou d’une organisation hacker telle que préconisée par DecereBrain, dont j’entendais parler pour la première fois. Au final, c’est l’option du hacktivisme qui a été retenue: pas de structure centralisée, les hackerspaces sont des lieux d’actions et pas de théorie, chaque groupe peut décider de petites actions autonomes relayées par des portails, tels hackerspaces.org.
En quittant le festival dimanche soir, je suis sorti du sous-sol, ai marché en évitant la boue du chemin qui ramène à la route, l’air de Vitry empestait l’odeur des usines de retraitement de déchets. Je suis demandé si la voix des hackeurs, qu’elle soit centralisée ou non, n’avait pas tout à gagner à être plus accessible, plutôt que de résonner dans une cave de Vitry-Sur-Seine. Le Hacker Space Festival 2011 aura-t-il lieu à la Cantine? Alors les hackeurs, quand est-ce que vous sortez de votre squat?
07 novembre 2010 à 21:39
Jusqu’à maintenant, j’étais convaincu que les «imprimantes 3D» n’avaient pas d’avenir… car ça demande un investissement (de départ) et ça coûtera toujours beaucoup plus cher que si c’était fait en grande série (sur la base de standards ou de libres open-source).
Mais, le rapprochement avec l’«imprimante» fait réfléchir. Parce que c’est comme pour l’imprimante… où ce sont les consommables qui sont chers et où une imprimerie est capable de produire (en grande série) pour beaucoup moins cher.
L’imprimante 3D, comme l’imprimante, ça correspond aux cas où on a besoin de choses adaptées, de choses qui seraient inimaginables de produire en grandes séries… Ce qu’on produit avec une imprimante, et ce qu’on produit en imprimerie, ça ne correspond tout simplement pas à la même chose.
L’imprimante 3D, ce n’est toujours pas la solution universelle. Mais, j’imagine que la solution (pour des objets libres open-source) ça va être un mélange de choses standards, de choses libres open-source produites en grande série, de choses libres open-source produites en grande série en kit à assembler soi-même, et enfin de choses à faire entièrement soi-même (avec une imprimante 3D).
11 novembre 2010 à 7:35
L’imprimante 3D, ce n’est toujours pas la solution universelle. Mais, j’imagine que la solution (pour des objets libres open-source) ça va être un mélange de choses standards, de choses libres open-source produites en grande série, de choses libres open-source produites en grande série en kit à assembler soi-même, et enfin de choses à faire entièrement soi-même (avec une imprimante 3D).
13 novembre 2010 à 2:30
Ouh la la mazette, entre Fabrice qui sous-traite la rédaction de ses articles et l’auteur invité qui découvre, avec un an de lag, l’initiative DegenereScience, ce compte-rendu du PHSF revient de loin. :)
« Ce n’est pas moi qui clame, c’est la terre qui tonne. »
Alors, pour commencer, je ne « préconise » rien du tout, la réflexion menée par le groupe DegenereScience depuis plus d’un an maintenant ne peut être restreinte à mon simple avis personnel. C’est bien un travail de groupe auquel on a affaire ; le fonctionnement horizontal (ni chef, ni hiérarchie) et le mode d’organisation basé sur la démocratie directe, ainsi que la structuration en groupes locaux indépendants et autonomes, tout cela garantit une base stable pour une réflexion à la fois sereine et rigoureuse. Je ne suis *pas* DegenereScience, et la réciproque est également vraie. D’ailleurs, le lien que l’auteur donne n’est qu’une republication sur mon humble weblog personnel d’un document publié par le groupe plusieurs jours auparavant (http://www.dg-sc.org/Manifeste.pdf)… Au reste, et l’auteur a du le voir puisqu’il y était, d’autres membres de DegenereScience étaient présents lors de ce débat, preuve que ce groupe n’est pas simplement que le délire mégalomane d’un intello paranoïaque et destroy…
Sinon, l’auteur s’avance un peu quand il dit qu’une décision a été prise lors de ce fameux débat auquel, bien que gentiment invité à la dernière minute, je n’ai financièrement pas pu me joindre. Il n’y a strictement rien de fixé, à mon grand désarrois d’ailleurs, et dg-sc continuera donc son petit bonhomme de chemin, puisqu’aucune autre initiative ne semble vouloir émerger des hackerspaces (qui se refusent à investir clairement le champ de la lutte sociale pour se cantonner à un rôle de laboratoires ouverts, ce qui correspond bien à l’état d’esprit de ces lieux).
A toute fin utile, je précise à nouveau que DegenereScience est tout sauf une « fédération », et encore moins une structure centralisée. C’est même l’exacte inverse : des groupes locaux qui réfléchissent et agissent localement, de manière indépendante et autonome, sans chef et sans hiérarchie. Et note que notre action est largement accessible et clairement tournée vers un public potentiellement très large ; si on regarde bien ce que fait depuis un an le groupe DegenereScience Lille, entre son émission de radio (la seule du genre en langue française !), les Crypto Parties et les conférences/débats qu’il organise, sa présence lors d’événements publics tels que la Braderie de Lille (le plus grand événement populaire national), son implication (non-revendiquée pour raison politique) dans la création du hackerspace Le Localhost ( http://www.le-localhost.org/wiki/index.php/Press-book ) et plus largement dans le squat culturel Les Hauts Lieux, son implication dans la coordination locale (Nord-Pas-de-Calais) contre l’ACTA, qui est à ce jour la /seule/ initiative d’opposition réelle et concrète à ce traité, si on regarde bien tout cela, qu’on se rend compte du travail quotidiennement mené sur le terrain, et qu’on en mesure l’impact social sur les citoyen-nes, alors je pense que la conclusion à en tirer s’impose d’elle-même. Ça reste de l’underground, ça reste de l’avant-garde, mais c’est déjà un pas en avant vers la constitution d’un véritable espace de contre-réflexion positive et constructive, un espoir tangible auquel se raccrocher dans le marasme du nihilisme ambiant, et un lourd pavé dans la gueule des fanatiques du Contrôle et de la censure d’État (‘paraît qu’il y en a qui lisent RWW, je les salue au passage :p).
Pour conclure, il y a un an Fabrice prétendait sur RWW que, via le mouvement hackerspace, le mouvement hacker français sortait de l’underground pour investir la culture mainstream. L’opinion exprimée dans cet article me parait donc pour le moins cocasse : qu’on en vienne aujourd’hui à exhorter les hackers à sortir de leurs squats, et spécialement pour se rendre dans ce Temple du Nihilisme2.0 qu’est La Cantine, fallait oser. :) Je sais bien que ça fait l’objet d’âpres discussions sur les listes de diffusion internationales de hackerspaces.org (d’un côté les anglo-saxon-nes qui comprennent absolument pas en quoi ça peut être pertinent de monter des squats, soit la négation du système de propriété privée, et de l’autre les latin-es qui comprennent absolument pas pourquoi les anglo-saxon-nes ne comprennent pas), mais honnêtement, et pour avoir participé de manière on ne peut plus active à la création d’un squat culturel/alternatif qui a, pendant un mois, fait la Une de l’actualité locale dans la ville de celle qui veut devenir Calife à la place du Calife, c’est là qu’est la place du mouvement hacker. Les squats sont un espace d’expression par et pour l’avant-garde, c’est un poncif que de le dire, tout comme de dire que le mouvement hacker est un mouvement d’avant garde. Alors après, on peut disserter longtemps sur la vitrine que ça donne, un hackerspace dans un squat industriel qui pue les rejets d’usine. Et sur le fait que, quand même, le Sentier c’est vachement plus clean. Mon humble avis là-dessus est qu’en tant que Cyberpunk intégriste ayant longuement macéré dans le Situationnisme bien de chez nous, je me dis que, peut-être, au fond, la stratégie spectacliste qui consisterait à s’auto-aseptiser pour ressembler à de gentils moutons inoffensifs et rigolos, utiles en hiver et délicieux en été (avec un bon pastis), c’est une mauvaise stratégie. Mais cela n’engage que moi, et j’ai beau jeu de tenir ces propos alors que je discute avec la Mairie de Lille pour qu’elle mette à disposition des locaux pour le hackerspace que j’essaie de monter. :)
Cordialement,
DecereBrain
PS > Compte-rendu et interview/debriefing téléphonique post-événement avec l’orga de ce Plastic Hacker Space Festival 2010 dans Random #027 : http://lille.dg-sc.org/random/emissions/2010/11/Random_07-11-2010/ . « Random, l’émission des hackers qui sortent de leurs bunkers. »
13 novembre 2010 à 2:51
Ha ! Je reconnais bien la ton sens de la provoc. C’est bien envoyé ;-)
Ceci dit, vive les squats de hackers, le bordel et la créativité ça peut très bien aller de pair !