Des Elections Américaines de Mi-Mandat ou des #Elections MiMandat.com?

Un conseil m’a été donné quand je suis partie à San Francisco. Aux Etats-Unis il y a trois choses dont tu ne parles jamais : Religion, Sexe et Politique. Certes, San Francisco est une ville libérale et loin d’être représentative du pays dans son ensemble, mais maintenant que je vis les élections de mi-mandat ici et que mes amis ne parlent que de cela sur les réseaux sociaux ou autour d’un dîner, je me demande si l’on ne m’aurait pas recommandé un vieux cliché.

Nous ne parlons que de politique bien sûr.

DEUX ANS POUR TOUT REJOUER

Vu de France, où passer du septennat au quinquennat a été une décision loin d’être évidente, une élection aussi capitale que celle renouvelant une partie des deux chambres deux ans seulement après qu’un nouveau président arrive à la tête de l’Etat surprend (435 sièges de la Chambre des représentants, 33 des 100 sièges du Sénat. S’y ajoute l’élection de 36 des 50 Gouverneurs des États américains).

Oubliez la cohabitation, cela n’existe pas ici. Pensez blocage, démocratie de couloirs pour tenter de négocier petit bout par petit bout des lois que le Président voudrait faire passer. Obama a été élu pour tout changer en quatre ans, prouver qu’il est entrain de le faire en deux ans si c’est possible, avec une crise économique sur le dos, c’est encore mieux. Bref, les démocrates ont perdu et je ne sais pas comment il aurait pu en être autrement. Non pas parce qu’Obama aurait trop fait “rêver les Américains”, cela fait parti de toute campagne qui implique une personnalisation, en tout cas pour moi. Donner une dimension magique n’est pas une trahison en sursis, mais une nécessité absolue. Je choisis l’homme ou la femme qui porte une vision pour demain; rien que cela. Alors, oui, je veux que cela ait l’air, non pas possible, mais absolument réalisable. Les utopistes me désarçonnent, mais les optimistes déterminés me plaisent beaucoup.

Magie ou non, deux ans pour travailler, ce n’est rien. D’autant plus quand vous avez toujours une campagne sur le feu. Et pas des moindres, car ici, elles sont violentes, manichéennes. Vos opposants deviennent vos ennemis. Je crois que c’est surtout cela la grande différence avec la France. Je ne crois pas que les Etats-Unis soient moins politisés que nous, plus aujourd’hui. L’élection de Barack Obama a définitivement changé quelque chose à ce niveau-là. Par contre, le débat n’est pas le même. Il n’y a pas de débat ici à proprement parlé. Il y a une lutte à mort, sans merci pour tuer l’adversaire, une simplification des idées toujours dangereuse.

Les rendre intelligible est tout autre chose. J’ose espérer que cela sera toujours l’objectif dans une élection. Dire, contredire, argumenter, cela semble être un de nos penchants culturels. C’est pour cela que j’aime qu’une élection soit tweetée. Je ne sais pas si l’utilisation des réseaux sociaux et d’Internet change les résultats d’une élection. Mais cela permettrait sans aucun doute plus d’échange et de compréhension des deux côtés. A condition de l’utiliser dans ce but…

Il ne s’agira donc plus de parler plus fort contrairement à ce qu’Internet laisserait penser, sinon les mêmes maux reproduiront les mêmes effets. 140 caractères restent un bon moyen d’asséner des idées sans fond.

Non, il faudra parler mieux. Et surtout utiliser cet outil d’engagement pour informer. Des faits ne sont pas des opinions et sont toujours utiles pour en construire de solides.

D’ AUTRES MEDIAS, POUR UNE AUTRE ELECTION ?

Parce que je ne sais pas comment de telles campagnes publicitaires peuvent servir d’outil de communication politique. De la désinformation pure, on dirait une vaste plaisanterie, comme si tout cela ne pouvait être qu’au second degré.

Internet permettrait de court-circuiter cette mécanique bien huilée; je t’attaques, tu m’en remets plein la figure, personne ne parle de programme mais juste des deux ou trois idées phares pour rallier ses électeurs à sa cause.

Non, l’électeur ne semble plus être uniquement le récepteur de ces discours et les nombreuses initiatives sur le Web ou les médias sociaux ont révélé l’ampleur du besoin de dialogue. Certes Obama n’a plus la même ferveur derrière lui, et il s’agit d’une élection régionale et non présidentielle. Mais le mouvement qu’il a créé est définitivement lancé. Internet est un outil de communication mais aussi d’échange que les citoyens s’approprient pour reprendre le contrôle lorsque des échéances politiques comme celles-ci arrivent. Les partis et systèmes politiques sont peut-être différents mais lorsque les temps changent et que les angoisses naissent, les réactions sont les mêmes des deux côtés de l’eau: critiquer les institutions, et en particulier les médias. Parfois, ici et en France, cela me semble gratuit et démagogique et de temps en temps, il m’apparaît que certains réflexes journalistiques ne sont plus adaptés aux nouveaux moyens de communications. Le récent succès du Rally To Restore Sanity est symptomatique de ce besoin de s’exprimer différemment, sans intermédiaire, pour ne plus laisser le duo classique média-candidats régler le tempo d’une élection. Et si cette marche n’était pas censée être politique, elle s’est révélée être un grand moment de critique des médias, par Jon Stewart en personne.

Je l’ai déjà dit, la Nature, et l’Homme en particulier, ont horreur du vide, et lorsque des institutions sont déstabilisées, elles sont très vite remplacées par d’autres ressources à expérimenter. Qui sait si à leur tour elles deviendront institutionnelles? Internet et les médias sociaux permettraient donc cette interactivité qui par définition fait très bon ménage avec une échéance politique. Ou même la politique tout court. Le projet du républicain Eric Cutor YouCut, le nombre grandissant des membres du Congrès sur Twitter ne parlent que de cela. Utiliser les nouveaux médias pour redéfinir les relations entre les électeurs et leurs dirigeants.

Ces élections ont suivi ce mouvement. Je ne sais pas si cela mobilisera plus ou fera changer d’avis ceux qui avaient décidé de s’en désintéresser totalement, mais cela a d’ors et déjà passionné le Web.

C’est difficile de ne pas être concerné quand les outils que vous utilisez en permanence vous permettent une meilleure compréhension, ou vous invitent à explorer ou vous engager: obtenir le badge “I voted” de Foursquare le 2 novembre est le summum du cool et Yahoo! vous demande votre avis sur les prochaines lois à adopter dans votre état.

Je vous avoue, j’ai même eu l’impression de suivre plus ces élections qui ne sont pas les miennes officiellement mais se présentent à moi de façon innovante en permanence. Les nouveaux médias ne changeront pas ses résultats mais ils changent tout de même déjà la donne. Une élection ne se fera plus jamais sans eux. Les anciens médias ont lâché l’article de l’éditorialiste pour des visualisation hallucinante de l’humeur du Web en ce jour d’élection ou suivre les derniers Tweets des candidats

Il m’est d’ailleurs impossible de faire ici l’inventaire des nombreuses opérations spéciales que Journaux et autre chaîne d’information de renom ont organisé avec Twitter…Cela a nécessité tout un billet sur leur blog.

Non, je vous assure, difficile pour un jeune électorat de passer à côté de cela. Une nouvelle forme d’engagement se dessine; plus facile car plus accessible? Peut-être.

Les réseaux sociaux sont évidemment des plateformes qui serviront à cela. Le gouvernement 2.0 est une bonne nouvelle s’il permet au delà d’une stratégie élective d’intéresser les plus désillusionnés ou sceptiques, qui sont nombreux aux Etats-Unis comme en Europe. Peu de gens se sont déplacés pour aller voter encore cette fois-ci, même dans une ville progressiste comme San Francisco. Comment leur en vouloir? Rien de plus frustrant que de parler dans le vide. Et rien de plus facile que de les rendre « accros » au vote lorsqu’ils auront le sentiment d’être entendu. La preuve, j’étais à deux doigts de poser des questions à Obama durant le Town Hall Special de MTV. Trop tentant ce hashtag #askeconomy, là, devant moi.

UN ELECTEUR PLUS CONCERNE?

Etant donné mon degré d’intérêt dans une élection à laquelle je ne peux pas participer, je me suis interrogée sur les effets qu’auraient pu avoir une élection nationale en France, où Internet aurait un rôle capital, où les candidats joueraient le jeu, autant par stratégie que par curiosité, où je ne devrais pas seulement regarder “A Vous de Juger” pour entendre ce qu’ils ont à dire en pestant devant ma télé ou en twittant mon agacement quand je ne tiens plus. Je n’en sais rien, mon envie de suivre activement ces élections américaines repose peut-être sur un effet de surprise , comme un observateur extérieur amusé. Mais très honnêtement, je ne pense pas. Nous sommes par définition tous intéressés par notre environnement social et ceux à qui nous le confions. Le problème se présente lorsque ces deux mondes ne se rencontrent plus. J’ai envie de croire que l’apparition de ces nouveaux outils redistribue les cartes et pourrait représenter une possibilité pour faire de la politique différemment, en tout cas certainement moins seul. L’électeur est à moins de deux clicks de souris.

En France, entre des tweets éparses servant à faire ses relations publiques et une page Facebook déjà ringarde, on n’y est pas tout à fait. La prochaine élection présidentielle serait une formidables opportunité pour les médias et les politiques d’utiliser Internet pour vraiment passer de l’autre côté de l’ordinateur ou se connecter véritablement à ceux qui sont derrière.

J’ai voulu écrire ce billet en me disant “On est tellement en retard”… Mais cela m’agace, inspiration ne veut pas dire reproduction. Il reste plein de choses à inventer et il ne suffira pas pour un parti politique d’aller passer une semaine à Washington pour observer les techniques du VAN (Voter Activation Network) pour se rapprocher de votre électeur qui se trouve à quelques milliers de kilomètres de là.
Reproduire des méthodes identiques est une possibilité pour gagner. Mais un engagement sincère reste le meilleur moyen de susciter la confiance.

Axelle Tessandier
@axelletess


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5 commentaires pour cet article

  1. Michelle

    Bonjour Axelle,
    Je suis très d’accord avec vous que 2 ans est très court, surtout vu les 8 ans que Bush a eu pour tout détruire.. Je dis ça comme une américaine installée à Paris depuis mai de cette année parce que, bon, j’ai trouvé ça bien aussi d’avoir les infos constantes sur les élections, mais je crains que ça a contribué à une non-écoute des vrais raisons. Pour cela j’ai été contente de voir le Rally to Restore Sanity parce que je me sentais dans le même esprit – on devient fou aux U.S.
    A mon avis, les informations et les réseaux sociaux ont renforcé l’esprit de rester sur les aspects artificiels des candidats. Le Tea Party, par exemple, a su inspirer de la peur dans un peuple déjà plein de doutes.
    De la même manière qu’on peut facilement et souvent survoler les informations, beaucoup d’américains n’ont pas vraiment cherché à connaître les candidats. On sait que beaucoup d’américains ne sont pas content, surtout avec l’économie, et je pense que beaucoup se sont laissé envolé par les discours peu approfondis que s’appuyaient sur des clips de son. Le Tea Party dit que c’est la faute d’Obama, donc tiens comme c’est facile comme excuse on n’a qu’à plus difficulter ses tâches.
    En gros je suis très déçue mais comme vous pas surprise. Mais ne pensez pas qu’on soit aussi si en avance, quand même..

  2. Dominique Rabeuf

    M’est avis que le montant des budgets de campagne doivent faire rêver les politiques français

  3. Axelle

    @Michelle: oui, Internet peut avoir des effets pervers, comme je le dis dans mon billet , il est très facile de désinformer en 140 caractères . Mais je ne crois pas que ce soit la faute du Web, mais plus de ce qu’on décide D’en faire. C’est aux démocrates d utiliser cet outil pour Parler mieux et leur responsabilité d avoir une caisse de résonance plus importante . Comme je le dis les faits ne sont pas les opinions et Internet peut permettre de mieux communiquer aussi là-dessus. Mon optimisme, mon amour du web et des réseaux sociaux me font espérer qu’il est aussi possible de mobiliser les plus déçus,, faire de la politique différemment et d engager un dialogue plus constructif . Ça , ce n’est pas Internet qui nous le dira mais ceux qui en feront un usage plus responsable
    Aucune innovation n’est bonne ou mauvaise par essence. C’est ce que nous en faisons.
    @Dominique: Absolument! Enfin quand vous avez des électeurs ultra mobilisés car convaincus par vos idées, cela représente aussi une force à moindre coût si eux commencent à diffuser votre message ;-)
    . Ceci dit le système de financements des partis américains n’est pas enviable, le notre me semble moins pervers.

  4. Had

    Salut Axelle,

    Ma première impression à la fin de la lecture fût d’abondé dans ton sens, puis ma misanthropie a reprit le dessus…:

    Oui, si le net était utilisé de façon responsable et constructive, énormément de choses pourraient changer, et pas uniquement sur un plan politique. Je n’en pense pas moins que quelque soit la méthode et les moyens utilisés, on ne peut pas refaire le monde sans changer les hommes en général.
    Pourquoi cela serait plus simple de contrer la désinformation sur internet que dans la vie courante? Pourquoi internet ne serait-il pas non plus pourrit par l’argent et les modèles économiques basés sur la recherche du profit à tout prix?

    Comme tu le dis « Aucune innovation n’est bonne ou mauvaise par essence. », qui sous-entend bien qu’une innovation peut être utilisée à bon comme mauvais escient, donc tous les avantages qu’elle représente seront également exploités par « le côté obscure de la force ». ;-)

  5. Axelle

    @Had: oui mais dans ce cas-là, difficile d’accueillir la moindre nouveauté avec curiosité…et la peur prendrait systématiquement le dessus..moi je suis plutôt une optimiste déterminée ;-) et je lis du Clay Shirky, ce qui m’influence probablement dans l’idée que l’homme n’est pas mauvais par définition et que d’incroyables possibilités se présentent à nous avec internet..
    Net Positive; a Conversation with Clay Shirky on Open Culture http://www.openculture.com/2010/10/net_positive_a_conversation_with_clay_shirky.html

    Axl

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